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Noisiel - Histoire des Techniques

 

Texte : Valentine Aldebert

Date : Septembre 2015

Du triage des fèves au pliage des tablettes, le cycle de fabrication du chocolat à Noisiel est décomposé en une série d’opérations traitées dans les ateliers spécialisés dont la distribution vise à limiter et réguler la circulation des hommes et les flux de marchandises. Les bâtiments étaient disposés à l’origine autour d’une cour centrale et reliés par les sous-sols, répartis en trois ensembles correspondant aux principales phases d’élaboration du produit : réception, stockage et préparation des matières premières (triage et torréfaction des fèves, séchage et pulvérisation des sucres dans la partie dite d’amont située à droite de l’entrée, broyage, mélange de la pâte de caco et du sucre, dressage, refroidissement, démoulage, empaquetage et expédition dans la partie aval).

La chaîne opératoire de la fabrication du chocolat débutait par le triage des fèves (des lieux de stockage à l’atelier de triage, le transport est assuré par des wagons à bras). Toujours dans des wagons à bras, les fèves sont dirigées vers l’atelier de torréfaction. Les fèves sont ensuite broyées dans le moulin (apportées par un chemin de fer), puis transportées mécaniquement au dernier étage pour être verser dans des trémies à destination de broyeurs jusqu’au rez-de-chaussée. Le cacao passe ensuite dans des appareils contenant 4 meules superposées jusqu’à ce que les graines ressortent en bas à l’état pâteux. Sous l’influence de la chaleur de la broyeuse, le beurre de cacao entre en fusion et se transforme en une masse semi-pâteuse. La masse pâteuse est alors envoyée dans des conduits qui passent par une canalisation souterraine, dans la nouvelle chocolaterie dite « cathédrale ». Le sucre blanc est alors mélangé au cacao dans un vaste appareil circulaire, « la conche ». Le mélange se déverse ensuite grâce à un système de valves dans des wagonnets et est remonté dans les ateliers latéraux pour l’affinage. Le chocolat est finalement amené dans le bâtiment de dressage (rive sud) où il est pesé et moulé: il passe dans un laminoir puis dans une peseuse à cylindre qui le découpe en tranches selon le poids désiré. Ces morceaux sont ensuite placés dans des moules qui portent le nom Menier. Après le passage aux refroidisseurs, le chocolat passe au démoulage. Le chocolat démoulé arrive ensuite par le moyen de deux monte-charges hydrauliques à l’atelier de pliage; atelier où la présence de rails est attestée, puis jusqu’à l’atelier de mise en caisse.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le moulin retient notre attention par son rôle dans la production du chocolat à Noisiel, mais également par son aspect esthétique. Il symbolise à lui seul l’usine Menier (visité le 14 juin 1878 par des membres de l’Institute of Mechanical Engineers). Ce bâtiment rectangulaire est entièrement constitué d’une ossature métallique. Il est constitué de trois moteurs hydrauliques mettent en mouvement l’ensemble des appareils de nettoyage, broyage, malaxage, nécessaires à la fabrication du chocolat. Le dispositif fait apparaitre une roue dentée horizontale, mise en mouvement par l’axe vertical de la turbine. Les alternateurs sont accouplés chacun par une courroie à une turbine. Il faut insister sur le fait que l’atelier de broyage au rez-de chaussée forme en 1910 un seul volume avec le premier étage, où se trouvaient les arbres de transmission (donnant le mouvement aux machines du 2e étage). L’espace est pensé comme en témoigne la présence du sol carrelé du rez- de-chaussée est (antidérapant) alors que celui des étages est parqueté de chêne. De plus, l’escalier en vis dessert les trois étages et améliore la circulation entre les différentes parties du moulin.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le bâtiment des refroidisseurs (construit entre 1882 et 1884, à l’emplacement d’anciennes serres) se trouve, pour une raison logistique, très proche du moulin Saulnier. Composés de 14 caves de 50 m de longueur sur 4 de largeur, les rafraichisseurs sont garnis de tables de marbre blanc et de fonte sous lesquelles circulent un courant d’eau froide et sont ventilés par l’air refroidi obtenu à l’aide d’un double-jeu d’appareils. Ces installations s’expliquent par le brevet de 1876 de Menier, pour l’emploi du froid artificiel pour le refroidissement et le durcissement méthodique du chocolat (invention de l’ingénieur Charles Tellier, spécialiste du froid industriel) : il s’agit du principe du mode de refroidissement continu en chambre close. Plus précisément, les machines au rez-de-chaussée servent à produire le froid, envoyée dans les galeries du sous-sol, constituées de trois chambres : une chambre froide, une chambre tempérée, une chambre chaude. Le chocolat dans les moules, déposé sur un convoyeur de toile, passait d’abord dans une chambre froide où il était saisi en surface et se rétractait, puis refroidissait lentement. Le chocolat était alors par la suite ramené lentement à la température ambiante, en continuant son trajet grâce au convoyeur de toile vers les chambres tempérées et chaudes.Les quatre « machines à froid » du rez-de-chaussée étaient actionnées par des moteurs à vapeur entretenant dans les galeries du sous-sol une température de 4° C. Le fonctionnement de ces machines consiste à comprimer d’abord une masse d’air, à lui enlever la chaleur qui s’est produite pendant la compression puis à laisser détendre cette masse d’air comprimé. L’air en se détendant, produit du froid. Au sortir du tube de détente, cet air froid et sec est dirigé à l’endroit désiré. La galerie du sous-sol, semi-souterraine, est éclairée par les grandes lunettes de la voûte (encore visibles de nos jours).

Le chemin de fer est une autre des avancées majeures qui caractérisent le nouveau site industriel de Noisiel. Il est l’aboutissement de l’autorisation de raccordement (de l’usine et de la station d’Emerainville-Pontault-Combault) en 1881 par le Conseil général de Seine-et-Marne. L’ensemble de l’usine est alors desservie intégralement par une voie principale, prolongée en 1889 par un réseau de voies étroites (0.60 m) à l’intérieur de tous les ateliers. L’essentiel des matières premières énergétiques (charbon, cacao, bois, papier) arrivaient de cette manière directement à l’usine ; il en allait de même pour les produits finis. En résumé, les voies de la ligne s’étendaient sur 10 km et comprenaient cinq passages à niveau et maisons de garde. De plus, deux machines à vapeur furent acquises en 1881 et 1884, puis une troisième en 1909, ainsi que 40 wagons. Il est remarquable qu’un réseau intérieur à l’usine ait pu exister : la rotonde constituait un élément essentiel de cette circulation (détruite en 1979). Encore une fois, l’espace était pensé : les ateliers de mécanique et de bois encadraient les voies, qui elles-mêmes arrivaient aux bâtiments de stockage (magasin du sucre et du cacao).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Enfin, le cas de la nouvelle chocolaterie de la fin du XIXe et du début XXe siècle, aussi désignée sous le terme de « Cathédrale » témoigne d'une réflexion approfondie lors de sa construction. Son rôle consistant à l’étape du mélange de la pâte à cacao et du sucre (Henri Menier fait appel en 1905 à Stephen Sauvestre pour sa réalisation), elle se voit implantée à proximité du moulin où est fabriqué la pâte, et du bâtiment de dressage dans lequel le chocolat est coulé dans les moules.

 

 

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